Soutien du Comité de rédaction de la revue Agora débats/jeunesses

Soutien du Comité de rédaction de la revue Agora débats/jeunesses

Un Injep autonome pour l’indépendance de la recherche sur la jeunesse

La revue Agora débats/jeunesses menacée ?

Les membres du comité de rédaction de la revue Agora débats/jeunesses s’inquiètent d’une éventuelle transformation de l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep).Une intégration de l’INJEP à un service de l’administration aurait pour conséquence une perte de l’autonomie essentielle à l’élaboration de travaux d’observation, d’évaluation et de recherche.

L’INJEP est à l’initiative et promoteur de la revue, et, par conséquent le risque de voir la revue elle-même fragilisée sinon compromise nous inquiète beaucoup. Attachés au rôle de passeur de la recherche et de diffusion de la connaissance joué par la revue, les membres du comité de rédaction veillent également à ce qu’Agora débats/jeunesses diffuse les acquis de la recherche auprès des milieux de la recherche, universités, laboratoires de recherche mais aussi auprès des milieux de jeunesse (professionnels et associations), des collectivités locales, et des instituts de formation d’animateurs et de travailleurs sociaux. La revue tire aussi sa légitimité de l’indépendance des chercheurs qui composent son comité de rédaction, indépendance à laquelle sont attachés aussi bien les milieux associatifs que les partenaires de recherche.

Le premier numéro d’Agora débats/jeunesses est paru en 1995 et 63 numéros ont suivi depuis. La revue a pris, au fil des années, une place prépondérante dans les débats autour des questions de jeunesse et constitue désormais une référence incontournable pour tous ceux qui, chercheurs ou acteurs de terrain, sont concernés d’une manière ou d’une autre par ces questions. Dans l’éditorial qui ouvrait le premier numéro, la revue affirmait son intention : « la mise en tension dynamique de la théorie et de la pratique », afin de permettre « un partage réel des innovations, des expérimentations, une transférabilité des savoir-faire collectifs ». La finalité était « l’action » : elle a été poursuivie sans renoncer aux exigences de rigueur dans la démarche scientifique, dans un souci permanent d’ouverture aux aspects les plus divers des questions de jeunesse, dans la ferme volonté de favoriser et développer l’éducation permanente au bénéfice des jeunes. Poursuivant ce but avec opiniâtreté, la revue a ainsi contribué non seulement à la diffusion dans un large public des problématiques de jeunesse mais elle a apporté aussi une contribution essentielle au développement de connaissances indispensables à toute action concertée en direction des jeunesses de notre pays, des jeunesses européennes plus largement et a nourri les travaux des chercheurs engagés sur les questions de jeunesse.

La revue s’est ainsi située d’emblée à « la croisée des champs de la Jeunesse et de l’Education populaire », et, au sein de l’Injep a constitué une ressource indispensable à tous ceux, associations en particulier, qui oeuvrent dans le champ de la jeunesse de l’éducation populaire. La révision générale des politiques publiques, menée sous le précédent quinquennat, avait conduit à l’abandon du site historique de l’établissement (Marly-le-Roi), à l’installation de son siège à Paris. Dans sa nouvelle configuration, l’Injep a poursuivi, avec le même esprit d’indépendance et de responsabilité, les tâches qui lui sont imparties, notamment l’observation, l’analyse et l’évaluation des évolutions de la jeunesse, de ses comportements et de ses attentes, des politiques et des actions qui s’adressent à elle en ayant pris acte des remarques de la cour des Comptes laquelle en 2008 avait attiré l’attention sur la nécessaire autonomie dans des activités de recherche et d’évaluation.

Si la revue Agora débats/jeunesses est nécessaire à la communauté de ceux qui travaillent en direction de la jeunesse, l’Observatoire de l’INJEP est de même nécessaire à la revue : il constitue le garant de la possibilité de poursuivre un projet éditorial original et pertinent dans de bonnes conditions. Sa légitimité et donc la légitimité de la revue auprès des milieux de recherche tient à l’autonomie jusqu’ici préservée. La diffusion d’Agora débats/jeunesses depuis 2012 par les Presses de Sciences Po et l’intégration aux bouquets numériques de référence Cairn et Persée, le classement d’Agora débats/jeunesses comme revue en sociologie-démographie et sciences de l’éducation par l’agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (AERES) témoignent du chemin accompli. Il serait pour le moins paradoxal qu’au moment où la légitimité scientifique de la revue est acquise, la perte d’autonomie de l’observatoire vienne ruiner sa crédibilité Par ailleurs, les membres du comité de rédaction peuvent témoigner que la restructuration de l’INJEP menée à partir de 2009 a profondément marqué l’institut, tant dans ses personnels que dans son activité. Il serait regrettable qu’au moment où les effets de cette restructuration s’estompent, un nouveau changement institutionnel perturbe à nouveau l’INJEP. La recherche, nécessite une stabilité peu compatible avec des changements institutionnels permanents.

Pour toutes ces raisons il nous parait urgent que soit :

– assurée la pérennité de l’Injep et principalement de l’Observatoire en tant qu’instrument d’observation, d’analyse et d’évaluation des politiques publiques à l’intention de la jeunesse et de l’éducation populaire ;

– préservées les conditions de production d’une revue devenue un outil majeur de tous ceux qui, praticiens et chercheurs de tous horizons, travaillent dans le domaine de la jeunesse.

 

Universitaires, les membres du comité de rédaction savent le prix que leurs collègues attachent à l’indépendance des revues scientifiques. Ils mesurent très bien la perte de crédit et les dangers que ferait peser sur la revue Agora débats/jeunesses sa prise en charge directe par une administration. La jeunesse, en Europe et en France plus particulièrement, est confrontée à des difficultés bien plus redoutables que celles auxquelles ont, en leur temps, été confrontés les signataires de ce texte. Ces derniers comprendraient d’autant plus mal que soient remis en cause deux leviers essentiels dans la perspective d’une action plus efficace en direction de nos jeunesses. C’est pourquoi les chercheur.e.s, membres du comité de rédaction, ne peuvent accepter la remise en cause de l’Injep et les risques encourus par Agora débats/jeunesses. C’est pourquoi ils demandent avec conviction et fermeté que soit assurée la permanence de l’une et de l’autre.

Les membres du comité de rédaction de la revue Agora débats/jeunesses :

Yaëlle Amsellem-Mainguy, chargée de recherche à l’INJEP
Jean-Pierre Augustin, Professeur à l’université de Bordeaux-III, ADES/CNRS
Valérie Becquet, Maître de conférences à l’IUFM de Versailles, membre du laboratoire École, mutations, apprentissages (EMA)
Laurent Besse, Maître de conférences, IUT de Tours, département de Carrières sociales
Claire Bidart, Directrice de recherche au LEST/CNRS
Vincenzo Cicchelli, Maître de conférences à l’université Paris Descartes, membre du GEMASS
Philippe Cordazzo, Maître de conférences à l’université de Strasbourg
Yves de Curraize, PRAG IUT Paris-Descartes Olivier Douard, fondateur de la revue, président de l’observatoire régional de la jeunesse Languedoc-Roussillon
Henri Eckert, Professeur à l’université de Poitiers, membre du GRESCO
Sylvia Faure, Professeure à l’université Lumière/ Lyon-II, membre du GRS/CNRS
Julien Fuchs, Maître de conférences, université de Bretagne occidentale
Olivier Galland, Directeur de recherche au CNRS-GEMASS/CREST, président du conseil scientifique de l’INJEP.
Sandra Gaviria, Maître de conférences, IUT du Havre, membre du CIRTAI/CNRS
Jean-Francois Guillaume, chercheur à l’Institut des sciences humaines et sociales, université de Liège au Sart Tilman
Francine Labadie, Chargée de recherche à l’INJEP
Francis Lebon, Maître de conférences à l’université de Paris-Est, membre du CIRCEFT
Léa Lima, Maître de conférences au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM),membre du LISE
Chantal de Linares, sociologue associée à l’Injep
Patricia Loncle, Chargée de recherche à l’École des hautes études en santé publique
Mustafa Poyraz, Enseignant à l’université d’Évry, à l’université de Paris-XI et à l’Institut de formation à l’animation
Goucem Redjimi, CEPJ, DRDJS d’Île-de-France, MAPE
Jean-Claude Richez, coordinateur de la mission observation – évaluation de l’INJEP
Bernard Roudet, chargé de recherche à l’INJEP Roger Sue, Professeur à l’université René-Descartes, membre du CERLIS/CNRS
Vincent Tiberj, Maître de conférence à Sciences-Po, membre du Centre d’études européennes
Angelica Trindade-Chadeau, chargée de recherche à l’INJEP
Cécile Van de Velde, Maître de conférences à l’EHESS, membre du conseil scientifique de l’INJEP
Alain Vulbeau, Professeur à l’université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense

Une réflexion sur “Soutien du Comité de rédaction de la revue Agora débats/jeunesses

  1. Le projet de rattachement administratif de l’INJEP a au moins le mérite d’autoriser un questionnement de fond, qu’on jugera sans doute iconoclaste. Quel rôle, aujourd’hui, pour un ministère de la Jeunesse ? Qu’est-ce qu’une « administration » spécifiquement dédiée à la jeunesse ? « Administre »-t-on un groupe social ou un âge de la vie (le débat scientifique reste ouvert) comme on administre un territoire ou comme on gère une entreprise ? Qu’est-ce que l’éducation populaire et quelle place occupe-t-elle dans la société contemporaine comme dans l’action publique, à l’heure d’Internet et de la « cyber-formation » ? Ces questions se posent alors qu’un effort de réduction budgétaire sans précédent a été engagé par l’actuel gouvernement. L’expérience de la RGPP a montré, si besoin était, que la seule façon d’éviter que le souci légitime de réaliser des économies dans le budget de l’Etat réponde exclusivement à des critères comptables, au détriment de l’appréciation globale de l’efficacité des politiques publiques, est de mettre prioritairement l’accent – et les moyens – sur l’évaluation de l’action publique. Or, le « champ » de la jeunesse est traversé (« agi » diraient sociologues et politologues) par un grand nombre de politiques publiques, sans lien entre elles, qui mobilisent de nombreux acteurs et mettent en jeu de multiples dispositifs, plus souvent concurrents que complémentaires. Par suite, leur efficacité n’est pas toujours au rendez-vous. A commencer par les politiques éducatives, au premier rang desquelles se situe la politique d’éducation nationale, dont les objectifs, les moyens – et l’évaluation elle-même – sont sans cesse mis en débat, sinon en cause, au sein de ses réseaux d’acteurs comme dans la société. A l’heure où des milliers de jeunes, en France comme dans une large partie de l’Europe, subissent un chômage dévastateur, et où les acteurs du système éducatif se disputent sur le sort d’une énième réforme de l’enseignement – une « refondation » dont on ne contestera ni l’ambition ni la nécessité, mais dont les fruits attendus profiteront, au mieux, à la génération suivante -, le temps n’est-il pas venu d’en sortir enfin par le haut, comme l’appelait de ses voeux, fort lucidement, François Hollande, bien avant d’être candidat à l’élection qui a fait de lui le président de la République française ? S’il doit y avoir une politique de la jeunesse, et pour peu qu’on veuille la hisser à la hauteur des enjeux actuels, elle ne peut être que transversale, car mettant en jeu de multiples ressorts et leviers d’action ou sources de financement, dans l’Etat comme dans la société. Par nature, comme par souci de l’efficacité, elle ne peut donc être qu’interministérielle et devrait être « impulsée » par le Premier ministre lui-même, ou en son nom et par délégation. Son évaluation suppose une connaissance scientifique globale, internationale et actualisée en permanence des phénomènes qui caractérisent la jeunesse, dans toutes ses composantes, ses dynamiques et ses mutations. Elle nécessite également une connaissance approfondie de l’ensemble des acteurs agissant dans ce champ et une large capacité d’appréhension de leurs comportements et de leurs interactions. Mais si l’observation du champ et l’évaluation des politiques de la jeunesse ont partie liée, ils ne sauraient être le fait d’un seul des acteurs impliqués dans l’action, sauf à perdre en objectivité, en efficacité et, au bout du compte, en crédibilité voire en légitimité : que « péserait », par exemple, une évaluation conduite par une administration en charge de la jeunesse, des sports et de l’éducation populaire, face aux services du « puissant » ministère de l’Education nationale ou à ceux qui sont aujourd’hui en charge de l’économie en même temps que de l’emploi ? Dans le paysage institutionnel actuel, seul l’INJEP, avec son Observatoire de la Jeunesse, qu’il convient de ne pas dissocier, réunit les connaissances, l’expérience et les compétences nécessaires pour se voir confier une mission ainsi redéfinie, à l’interface de la communauté des acteurs. Dans cette perspective, non seulement il importe qu’il conserve son statut actuel d’Etablissement public, garant de l’indispensable autonomie de tout organisme évaluateur, mais plus ambitieusement, on pourrait imaginer d’élargir sa mission pour un faire le support transversal de l’animation et de l’évaluation d’un programme national, pluri-annuel, interministériel et partenarial, en direction de la jeunesse.
    Paris, 3 mai 2013
    Michel Mirandon
    ancien chargé de mission au Commissariat général du Plan,
    coordinateur de la Commisssion « Jeunes et politiques publiques », présidée par Dominique Charvet (rapport « Jeunesse, le devoir d’avenir », publié à la Documentation française, 2001)

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